Fantaisie poétique, libre manuel de géographie, chronique du Nord mais aussi autobiographie, récit d’enfance, éloge de la littérature et de la poésie, galerie de portraits, livre de cuisine…
Riche, malicieuse, nourrissante, roborative, cette Gaufre vagabonde, 4ème titre de la collection La Vie rêvée des choses, est tout cela en même temps, un texte hors-norme dans lequel Jacques Darras semble faire la synthèse de tous les centres d’intérêt qui irriguent une oeuvre construite avec rigueur, détermination et bonne humeur depuis plus de cinquante ans.
Dans La Gaufre vagabonde, ce « poète littoral » comme il aime à se définir, « une des figures majeures de la poésie d’aujourd’hui » se fait plus terrien et plus prosaïque, même si la poésie se signale à chaque instant – souvent avec facétie – à travers une langue ample et rythmée, pétrie de références, de jeux de mots et d’associations d’idées.
Pour Jacques Darras, la gaufre est bien plus qu’un simple gâteau populaire dans le Nord de la France et en Belgique. C’est une matière à mémoire, la sienne, celle du petit garçon qui rêve de la fermière qui va traire le lait essentiel à la fabrication de la gaufre. Celle aussi de tout un territoire aux frontières floues et très personnelles, embrassant à la fois la Flandre et la Wallonie, zigzagant dans une Picardie « protestataire et protestante » entre la côte de la mer du Nord, Le Crotoy, Arras, et glissant même du côté de Vienne où un le célèbre tableau de Brueghel, Hiver, peut-être la première représentation picturale de la gaufre (deux gaufres volées à un enfant) semble être à la fois l’aiguillon et le point d’orgue de cette déambulation érudite et enjouée.
D’ingrédient en ingrédient, – le lait, le sucre, la levure, la farine, l’oeuf et le beurre – avec des détours appuyés par la bière ou encore la vanille, (car le livre est vraiment un livre de recettes « pour le même prix » !), Jacques Darras, fait de la gaufre à la fois une métaphore de la littérature (lier, s’y reprendre à plusieurs fois), du livre (« La gaufre s’imprime. Comme Gutenberg ses Bibles ») et de la vie : « Nous sommes la pâte, quelque chose nous a liés ensemble, puis coulés dans un moule, puis passés au feu. La vie est brûlure. »